ALPIQ

L’électricité et le gaz affrontent aujourd’hui une tempête. Le seuil des 100 €/MWh a été franchi en électricité pour 2022 tandis que les prix du gaz pour l’an prochain naviguent au-delà de 40 €/MWh.

Si elle est sans précédent au regard des niveaux atteints, ce type d’envolée n’est pourtant pas une première et il faut ici élargir le spectre et savoir raison garder. Ainsi, en août 2008, le prix calendaire électricité atteignait les 93 €/MWh, pour replonger en 2009 à moins de 40. En 2016, les 25 €/MWh du mois de février faisaient pâle figure a posteriori face aux 60 €/MWh de fin d’année en raison des lourdes défaillances sur le parc nucléaire.

Aujourd’hui, à la suite de la dégringolade au cœur de la crise sanitaire en 2020, nous sommes repartis sur des fondamentaux extrêmement haussiers avec une consommation revenue quasiment à la normale, un vaccin qui porte ses fruits, une hausse des matières premières qui se répercute sur les commodités, le tout ponctué par des difficultés d’approvisionnement. Certes, les arbres ne montent pas au ciel, et c’est la même chose pour les marchés. Cela redescendra, même si aucun élément baissier ne semble poindre à l’horizon. Fruit d’une spéculation sur le CO2 ? L’autorité européenne de surveillance des marchés financière a été saisie d’une plainte. Reste que la Commission Européenne confirme son ambition climatique et invite les entreprises même à « accepter la réalité d’un prix du carbone élevé… ». En attendant, une hausse d’un euro sur le CO2 se traduit désormais par 1 euros de hausse sur l’électricité.

Dans le gros vent, on a parfois trop tendance à subir. Certes, quand on est marin, on prend des ris ou on abaisse les voiles. Mais dans l’énergie, tout lâcher est une erreur. En effet, si on attend d’être au pied du mur, la vague peut s’avérer trop haute : il faut prendre des décisions, lesquelles doivent au préalable avoir fait l’objet d’une stratégie anticipée, qui doit être ensuite tenue, contre vents et marées.

En ce moment, on est face au mur : mais, en réalité, et ce mur grandit depuis le début de l’année. La frilosité dominait malheureusement les achats au printemps, et on peut le comprendre face à une quatrième vague qu’on nous promettait.

A l’arrivée, il est urgent de prendre du recul pour définir des stratégies à long terme d’approvisionnement en regardant froidement les solutions. En premier lieu, il faut se saisir des amortisseurs réglementaires et le premier d’entre eux : l’ARENH, certes écrêté à 100 TWh (ou à 150 TWh si un miracle se produit), mais qui fait démonstration de son rôle puissant de protection des consommateurs, n’en déplaisent à ceux qui le dénigrent. Pour certains industriels, la compensation carbone jouera à plein cette année : elle permet de à compenser le surcoût du CO2 dans l’approvisionnement électrique mais on attend encore son dimensionnement pour les années 2023 à 2030. En gaz, les amortisseurs réglementaires, hormis les taux réduits de TICGN, sont pour le coup quasi inexistants. Et, au-delà de la hausse du prix molécule, les surcoûts qu’on nous annonce pour 2023 ont de quoi inquiéter avec la mise en place des certificats de production biogaz.

Au-delà des amortisseurs – quand ils existent – et de leurs ajustements incertains, il faut acheter, « stop-losser », accepter de prendre sa perte et, le cas échéant, savoir l’expliquer en interne (à la direction) et idéalement avoir validé cette stratégie au préalable. Le fournisseur peut accompagner et faire comprendre qu’il ne faut pas attendre demain pour payer plus cher à l’arrivée.

Et puis il faut s’ouvrir sur le long terme, où la « backwardation » offre des niveaux 25 % inférieurs en électricité sur les échéances 2023 et suivantes, voire même 50% inférieures en gaz.

Enfin, toujours sur le long terme, on peut acheter des blocs jusqu’à 10 ans en avance, et ne pas s’empêcher d’examiner les possibilités de nouer des PPA à des niveaux de prix offrant à la fois compétitivité (et plus encore aujourd’hui) et visibilité pour 10 à 15% de votre approvisionnement. C’est certes une couverture très partielle des besoins d’un industriel mais ce n’est absolument pas anodin. En outre – car il ne faut pas que l’explosion des prix nous le fasse oublier – c’est une solution tangible pour atteindre un niveau d’engagement supplémentaire en faveur de la transition énergétique par rapport à un « simple » achat de garanties d’origine. Grâce aux PPA, des producteurs ne bénéficiant pas ou plus d’un régime d’aide peuvent en effet développer de nouvelles capacités renouvelables ou maintenir en service des capacités existantes.

Patrick Cormerais

3 345 comments

Leave a Reply